Christopher Nolan nous l'avait démontré avec Inception, on peut regarder le monde comme une simple feuille de papier qui se replie sur elle-même. Les voleurs courent après les gendarmes, l'Europe défend les libertés individuelles et les citoyens pour la plupart s'en moquent royalement.
Il n'est que de regarder la situation actuelle des organisations pour se rendre compte des difficultés des dirigeants - et de leurs salariés - pour appliquer le RGPD.
Mathias Döpfner, dirigeant de presse allemand, adressait le 28/01/2021 une lettre ouverte à la Présidente Von Der Leyen, Présidente de la Commission pour enjoindre l'Europe d'adopter un droit fondamental pour la protection des données.
Bien entendu, l'homme d'affaires allemand ne serait pas contre le fait de mettre quelques obstacles entre les GAFAM et le marché européen, mais son argumentation va à l'évidence beaucoup plus loin, et c'est un plaidoyer qu'il présente.
Le COVID 19 a été un accélérateur de la numérisation du monde et la stratégie des GAFAM s'est révélée de manière encore plus évidente avec les crise sanitaire. En janvier 2020, la capitalisation boursière de Google, Facebook, Amazon, Apple, Netflix et Tesla était de 3 900 Milliards de dollars. En janvier 2021, la valeur boursière de ces 6 entreprises est de 7 100 Milliards de dollars, soit une augmentation de 82%. Google et Facebook ont généré à eux seuls quelques 230 Millards de dollars de recettes publicitaires en 2020, soit 46% du marché mondial de la publicité.
Pourquoi un tel succès ? Parce que les plateformes proposent des services dont la valeur est générée par l'espionnage de leurs clients. Grâce au "behavorial targeting", les data scientists aidés de sociologues, de psychologues, de psychanalystes, d'experts marketing nourrissent des algorithmes qui analysent ce que nous faisons, ce que nous voulons et décident de ce que nous "devrions vouloir." Ils canalisent et amplifient nos désirs, nous font des suggestions de produits et services.
Bienvenue dans ce que Soshana Zuboff, professeur à Harvard, appelle le capitalisme de surveillance ! Les algorythmes, avec une précision diabolique et sans émotion, sondent notre moi le plus intime pour optimiser le modèle de maximisation des revenus publicitaires. Le secret de la richesse des GAFAM ? Il réside dans l'application d'un seul principe : une transparence absolue des désirs les plus profonds de leurs clients. Les plateformes veulent et peuvent tout savoir de vous : votre sexualité, si vous êtes enceinte, vos opinions politiques, vos maladies, vos TIC et vos TOC, vos problèmes au travail, vos loisirs, vos nouveaux amis, Etc.
"Les citoyens deviennent les marionnettes des monopoles capitalistes."Max Döpfner
La preuve est flagrante sur le plan politique. Les GAFAM ont permis sans aucun problème déontologique à des sociétés comme Cambridge Analytica - et d'autres petites start-ups du même genre - d'acheter des millions de données personnelles sur Facebook - VOS données. - et de manipuler l'opinion publique pour l'amener à voter en faveur du Brexit ou de Trump. Puis d'interdire au même Trump - Président des Etats-Unis tout de même - l'utilisation de Facebook et de Twitter, un peu confus sans doute d'avoir permis à un tel énergumène d'accéder au pouvoir suprême d'une puissance mondiale.
En Australie, le gouvernement a décidé que Google devra verser aux éditeurs une part équitable des revenus que la plateforme génère à partir de contenus journalistiques. En réponse, Google menace tout simplement de blacklister l'Etat-Nation en lui retirant l'accès de son moteur de recherche. La cyber-délinquance ne fait pas autrement : implanter un virus, faire du chantage et extorquer de l'argent.
"L'Europe est le premier continent au monde à avoir lancé une refonte complète de son espace numérique avec le projet de loi sur les services numériques et le projet de loi sur les marchés numériques. Ils sont tous deux basés sur un principe simple et puissant : ce qui est illégal hors-ligne devrait être illégal en ligne." Thierry Breton, commissaire européen, chargé de la politique industrielle, du marché intérieur, du numérique, de la défense et de l'espace.
Et Max Döpfner de conclure que la seule réponse possible est d'interdire la surveillance totale au nom de la "transparence totale", d'interdire concrètement la stockage de données personnelles sur les plateformes au-delà de six mois.
L'Europe, en mettant en application le RGPD depuis 2018, a montré au reste du monde qu'il était largement temps de contrer les dérives totalitaires de ces "essential facilities" que sont les plateformes d'aujourd'hui, et ce en commençant par nettoyer sur le pas de sa porte. L'Europe a monté la voie à d'autres Pays. La Californie - berceau des GAFAM et de tant de licornes - applique à son tour le CCPA (California Customer Privacy Act). D'autres pays suivront.
Voilà pourquoi la Protection des Données Personnelles n'est pas juste une règlementation de plus.
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